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LES ARCHIVES AUTREMENT : UNE ENTRÉE EN MATIÈRES

L’article L. 211-1 du code du patrimoine définit les archives, comme « l’ensemble des documents, y compris les données, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l’exercice de leur activité ».

INTRODUCTION

Quelle est la matière des archives ? Un peu de tout, et parfois son contraire, qu’il s’agisse de la matérialité du document comme de la volubilité de son sujet. Pour mieux le révéler, le CMUA choisit aujourd’hui de se faufiler dans la facétieuse plasticité des archives, composites jusque dans les apparentes contradictions de leur objet. Sont-elles plates, végétales, provisoires, à l’endroit ? Sont-elles de quelque part, de quelque opinion, absurdes ou sérieuses ? Les documents montrent que la réponse est souvent plurielle.

En cela, les archives offrent un reflet fidèle de la société, à travers les formes qu’elle leur donne et qui témoignent de son organisation, de ses projections, de sa perception du monde au fil du temps. Ainsi, de la maquette d’un projet avorté au télégramme de mobilisation, de la photo publicitaire à l’acte de mariage ou du parchemin en flamand à la data de base, chaque pièce restitue un fragment intelligible de ce qui nous a composés, tant par sa forme que par son contenu.

Pour cela, la conservation des archives, dans leur diversité, constitue un enjeu de société, dans sa diversité, pour encore et toujours mieux éclairer les questions plurielles du présent au rapport des expériences antérieures et au service des meilleures perspectives communes. Alors que notre époque entretient des illusions dématérialisantes de l’existence et stimule l’artificialité des perceptions, les mille informations que les archives réaniment d’autres âges rappellent à chacun l’importance du patrimoine et de sa vertueuse insaisissabilité.

LA MATIÈRE DE L'OBJET

Loin de n’être que du papier jaunissant, les archives combinent une richesse insoupçonnée de matériaux. Chacune de leurs composantes rapporte un pan de l’histoire, offre de retracer l’évolution des technologies, des pratiques sociales et des formes d’expression.

Chaque matériau présente en outre un défi spécifique en matière de conservation et d’accès. Il incombe aux archivistes de mettre en œuvre des techniques et des stratégies adaptées pour préserver ces documents irremplaçables et les rendre accessibles au public.

Poids d’archives

Lourdes ou légères

Derrière la cote d’un document, l’archiviste ne sait pas toujours ce qui se trouve et lorsqu’il va chercher l’article dans le magasin de conservation, il est parfois surpris par la taille du registre, son poids démesuré ou sa petitesse ! Ce pesant registre de l’hôpital de Dunkerque et les quelques grammes de ce tout petit carnet renvoient pourtant à des références de même taille dans les inventaires...

Élégances d’archives

Austères ou chatoyantes

En 1539, l’ordonnance de Villers-Cotterêts rend obligatoire la tenue des registres paroissiaux par l’Église. L’état civil tenu par la mairie la remplace en 1792.
L’obligation portant sur la consignation des naissances, mariages et décès, la forme du document, moins définie, permit à Craywick d’utiliser du beau papier au motif floral ou géométrique pour couvrir ses registres.

Les registres des délibérations et des arrêtés des collectivités doivent quant à eux respecter des règles en matière de présentation matérielle. Elles sont consignées dans le Code général des collectivités territoriales, d’où un formalisme et une uniformité visuelle.

Caractères d’archives

À la main ou à la machine

S’insinuant progressivement dans l’écriture manuelle, la diffusion des formulaires imprimés a facilité la vie quotidienne et le contrôle de l’administration dès le XVIIe siècle... avant que la machine à écrire et l’ordinateur ne menacent la pratique manuscrite à la fin du XXe siècle !

Inventée par Johannes Gensfleisch dit Gutenberg en 1454, l’imprimerie à caractère mobile permet de reproduire les écrits en grande quantité sur support papier ou textile. En 1470, la première imprimerie française apparait au collège de la Sorbonne grâce à Jean Heynlin et Guillaume Fichet. Louis XIII et Richelieu créent en 1640 l’Imprimerie royale (future Imprimerie nationale) pour les publications de prestige, de la Maison du Roi et des actes des Conseils. Le nombre d’imprimeries fixé en mars 1739 dans le royaume de France en accorde deux à Dunkerque.

Dimensions d’archives

En 2 ou 3D

L’information des archives n’est ni forcément textuelle, ni toujours plane comme le montre le projet de port de plaisance des architectes Claude Milliez et Thaddée Ruyant au nord de la digue des Alliés.

Quelques années plus tard, à la fermeture des Chantiers navals de Dunkerque en 1987, les milieux économiques et politiques envisagent de renforcer la vocation touristique de Dunkerque. Le projet prévoit une zone de loisirs avec port de plaisance et marina, un parc d’attraction sur Jean Bart et les corsaires, thalassothérapie, centre équestre, tennis, patinoire, aqualud, commerces, cinémas, hôtels, logements, palais des congrès, casino, musée sur l’opération Dynamo et terminal transmanche... Contesté, ce projet n’a finalement jamais vu le jour !

Langues d’archives

En français, en flamand ou autre

Dunkerque a le français pour langue officielle depuis son rachat par Louis XIV en 1662. Mais les usages perdurent et certains actes de l’échevinage sont encore en flamand à la fin du XVIIe siècle. Pour stimuler la loyauté de ses nouveaux sujets, Versailles permet en effet l’usage du dialecte local et nombre d’actes sont dans les deux langues. A contrario, la lettre patente qui émane du pouvoir central est bien entendu en français.

Positions d'archives

À plat ou roulées

Les XIXe et XXe siècles affinent les techniques de projection d’image, déjà connues depuis les lanternes magiques : leur support, la pellicule, devient plus léger, moins fragile, moins dangereux et facile à transporter, roulé ou à plat. Des foires aux cercles familiaux et amicaux, on organise des projections qui perdurent avec les « soirées diapos » !

Ancêtres des photographies, les plaques de verre apparaissent à la fin du XIXe siècle dans la bourgeoisie qui immortalise ses vacances, comme ces baigneurs pris par les frères Guermonprez, négociants lillois en vacances à Malo-les-Bains.

En 1888, l’appareil photo Kodak, petit et bon marché, développe la photographie amateur et perdure jusqu’aux années 2000.

Le Pathéorama, petite visionneuse de 1921 (14x5x5 cm), manipulable par les enfants comme par les adultes, utilise aussi le rouleau, maintenu dans l’appareil par le bord perforé et déroulé avec un bouton. Le CMUA conserve un de ces films ininflammables de vues touristiques de Dunkerque.

Continuités d’archives

Anciennes ou récentes

Les archives se jouent du temps dont elles révèlent les effets sur les lieux et les êtres.

D’un côté, le bassin du Commerce vers 1870, les maisons et les entrepôts de la Citadelle avant le creusement des darses du plan Freycinet. La vaste plaine à l’horizon deviendra Saint-Pol-sur-Mer. On y distingue même l’ancien bassin des Chasses.

De l’autre, un siècle et demi et deux guerres plus tard, Dunkerque et les bassins, totalement métamorphosés, la Citadelle non plus portuaire mais tertiaire et Saint-Pol-sur-Mer couvrant l’ancienne plaine maritime.

Sons d'archives

Muettes ou sonores

Qu’il s’agisse d’interview, de captation du conseil ou d’interprétation artistique, les archives peuvent être sonores.

La variété des supports amène parfois à conserver différentes formes d’une même œuvre, comme la partition et l’interprétation d’une pièce. Écrite ou enregistrée, elles n’en sont pas moins des archives car l’écriture originale est porteuse de sens, et comme au théâtre, rappelle un «textepremier » avant son interprétation par les artistes.

La musique et les chansons documentent la spécificité culturelle du territoire. Chère à Dunkerque et à son carnaval, la « Cantate à Jean Bart » dont les Archives conservent la partition, fut écrite et interprétée à l’inauguration de sa statue en 1845. Presque deux siècles plus tard, ses multiples reprises accréditent la fortune de l’œuvre, inscrite dans la tradition populaire au fil des générations.

Mouvements d’archives

Fixes ou animées

Un même événement peut laisser dans les archives différents traces mémorielles, telles des images captées sur le vif. À l’occasion d’une visite présidentielle, comme celle du président René Coty en octobre 1955, de nombreuses images ont pu être captées : elles peuvent être fixes, à l’instar de cette photographie qui saisit le chef de l’État empruntant la rue Clemenceau, ou bien animées comme ce film tourné par des membres du Club des cinéastes amateurs de Dunkerque.

Sur la photographie, on remarque devant le président Coty un caméraman : est-ce notre cinéaste amateur ou bien un reporter officiel qui capte cette image historique symbolisant la renaissance de Dunkerque après 1945 ? René Coty inaugure ce jour-là l’hôtel de ville restauré ainsi que l’écluse Trystram remise en état.

Éphémères d’archives

Temporaires ou pérennes

Archiver est devenu une évidence dans notre société, mais la mise en écrit puis sa conservation ne sont jugées essentielles que depuis la « révolution de l’écrit », il y a moins d’un millénaire. La conservation s’est ainsi étendue à des documents provisoires ou courants dont la valeur informative est différente : soit parce que leur production moins formelle révèle une expression plus spontanée, soit en raison d’éléments a priori mineurs et a posteriori signifiants.

Entre la charte dont l’essence est de restituer un évènement dans le temps et la lettre patente ornée et scellée par un sceau royal, se faufilent aux archives les ratures, les rajouts et les tâches d’encre de brouillons bien bavards.

Biodiversités d’archives

Végétales ou animales

Pommes de terre et mammifères sont là aussi !

La reliure en cuir, ancrée dans l’histoire du livre, témoigne d’un savoir-faire précieux dont l’usage renvoie au temps des livres rares pour lesquels le cuir s’impose comme matériau idéal par sa solidité. Si sa durabilité a longtemps bercé l’idée d’une invulnérabilité des livres au temps, les deux ouvrages présentés ici, au cuir épidermé et craquelé, nous rappellent la fragilité inhérente à tout objet, même le plus noble.

La solidité apparente du cuir contraste avec la fragilité notoire de l’autochrome, première méthode photographique en couleur qui naît en 1907, grâce à la pomme de terre et l’ingéniosité des frères Lumière. Sensible à l’humidité et à l’exposition prolongée à la lumière, la plaque est enduite d’une émulsion où la fécule de pomme de terre est teintée en orangé, vert et violet. La double vue permet, une fois insérée dans une visionneuse, de recréer un effet de relief et de profondeur.

Gaston Fichaux et son fils Albert, nous ont laissé une quarantaine d’autochromes où l’on voit leur famille prendre la pose.

Ainsi, cuir et pomme de terre tissent une histoire où se mêlent tradition et innovation, et nous invitent à réfléchir aux défis que pose la préservation de notre patrimoine quand chaque matériau requiert des conditions spécifiques de conservation et d’accès.

Orientations d’archives

À l’endroit ou à l’envers

L’image imprimée, qu’elle soit placardée, artistique ou publicitaire, se retrouve parfois au CMUA à l’endroit (imprimée) et à l’envers (matrice).

On retrouve ainsi les techniques industrielles, avec ces trois plaques de métal montées sur bois, certainement destinées à l’impression, en nombre et en trois couleurs, des étiquettes de la Son Bock, bière légère de table, fabriquée par la brasserie Bommel-Meulemans, à Rosendaël.

Au contraire, la plaque de linoleum gravée à la main et son impression couleur, relèvent d’une technique artisanale. Elles ont été produites par un(e) élève de Claude Lagouche qui animait des ateliers de pratique artistique au sein de la Maison des Jeunes et de la Culture (MJC) de Dunkerque dans les années 1980 et 90.

À l’envers ou à l’endroit

Le CMUA conserve les témoins de la fabrication et de l’édition du livre, publié en 1925 par Albert Chatelle, Dunkerque pendant la guerre 1914-1918. Dessiné puis imprimé, il fallut 3 étapes au moins pour imprimer avec minutie ce plan, représentant les points de chute des 5022 projectiles reçus en quatre ans par Dunkerque qui firent 444 morts.

Dépendances d’archives

Accessibles ou encodées

La mission des Archives n’est pas d’accueillir des instruments, mais elles conservent incidemment des environnements techniques car certains types de documents ne subsistent pas les uns sans les autres. Accéder aux données n’est parfois possible qu’avec les machines qui les ont traitées ; lesquelles, sans cela, subsisteraient encore moins ! L’articulation entre données et machines perturbe profondément le rapport aux supports de l’information. Si la conservation des archives électroniques est aujourd’hui en œuvre, le passage au numérique – indissolublement lié aux instruments – hypothèque quand même la lecture des données sur le long terme.

Un ordinateur comme celui de l’exposition, aujourd’hui irréparable et dont les données sur disquette ne sont plus consultables, fait obstacle à la conservation et à l’accès ultérieur à l’information. Alors que les listes électorales réalisées à la machine à écrire jusqu’en 1970, avant d’être informatisées pour les élections de 1974, subsistent, la capacité de consultation de données numérisées sur disquettes et CD pose aujourd’hui question.

L'OBJET DE LA MATIÈRE

La variété des archives se manifeste par leur forme et leur support et bien sûr par leur contenu. Tous les documents conservés ne sont pas des actes administratifs prouvant, ordonnant, instruisant une opération. Ce sont aussi divers renseignements consignés qui mettent en lumière une diversité de questions, la différence des regards et des discours sur les événements du passé : officiels, religieux, personnels, engagés...

Les documents présentés ici montrent que les sujets futiles ou tragiques des édits et décisions permettent de comprendre comment était rythmée la vie quotidienne. Mais aussi qu’en fonction de leur rédacteur, public ou privé, les documents n’existent pas pour les mêmes raisons et ont une portée différente. Et que d’autres récits, plus lointains mais liés à Dunkerque, révèlent que le territoire se construit ici et ailleurs.

En somme, plus l’origine des archives est variée, plus les récits qu’elles retracent et la façon dont elles les racontent seront nuancés. mis bout à bout, ces sujets divers et variés produisent un reflet le plus fidèle possible de la réalité vécue sur un territoire.

Fantômes d’archives

Présentes ou disparues

Les archives sont par nature des traces de situations disparues dont elles rouvrent une partie de la réalité perdue à notre perception. Cela devient de l’histoire, grande ou plus petite, voire « avec une grande hache » comme le voulait Georges Pérec.

Les fortifications dont Vauban a protégé Dunkerque sont ainsi entrées dans le monde virtuel des archives. Elles ont quitté le paysage et ne reprennent forme qu’au travers les contrats passés avec les entrepreneurs du XVIIe siècle qui définissent le détail des édifices à construire. On peut donc les redessiner malgré leur destruction consécutive au traité de 1713. Mais la balade sur leurs remparts est depuis ce temps imaginaire.

À l’inverse, ce plan de 1834 montre l’aspect de la tour du beffroi avant la transformation de sa plateforme supérieure, mais la tour est quant à elle toujours bien présente dans le paysage urbain.

Horizons d’archives

D’ici ou d’ailleurs

Sous l’apparence locale, les archives se montrent volontiers voyageuses en rappelant les liens multiples d’un territoire avec sa proximité et des horizons plus distants...

Bray-Dunes, séparée de Ghyvelde et fondée en 1883 à la suite des achats et constructions d’Alphonse Bray, est la commune la plus septentrionale de France. Lien entre mer et terre, elle compose un blason maritime et emprunte des éléments aux armoiries de Ghyvelde et Hondschoote.

Dunkirk, dans l’État de New-York, se mobilise en 1946 pour aider Dunkerque meurtrie par les années de guerre. Une symbolique clef de Dunkirk est alors offerte à Lucien Maillart, 1er adjoint, que sa fille remet à la Société Dunkerquoise d’Histoire et d’Archéologie qui la confie aux Archives de Dunkerque.

Illusions d’archives

Imaginaires ou réelles

Les Archives conservent de multiples projets, plus ou moins ambitieux, mais surtout réalisés ou non. Trop vite interprétées, ces pièces sont matière à illusion, ce qui justifie un principe de mise en contexte dans l’analyse des documents.

En outre, les photographies figent dans le temps des éléments disparus qui constituent parfois la seule trace de situations ou d’événements oubliés ; leur compréhension serait complexe et sans doute erronée sans information associée.

Cachoteries d’archives

Explicites ou implicites

Volontiers facétieuses, les archives informent souvent sur une matière en parlant d’une autre. Comme « l’état de logement des deux escadrons de Dragons de la Reine, dont un escadron pourra être loge en la Ville de Bourbourg, et dont 80 chevaux faisant deux compagnies seront placés dans la nouvelle escurie » qui en cherchant à placer les troupes, détaille les demeures des particuliers, des cabaretiers, les fermes, à la fin du XVIIIe siècle jusque chez le curé de la paroisse de Loon.

De la même façon, les réquisitions allemandes d’immeubles indiquent par défaut ce qui avait été détruit dans Dunkerque depuis 1940.

Contradictions d’archives

Pour ou contre

Les archives réunissent sans réserve des positions contraires.

La guillotine expérimentée sur la place de Grève à Paris le 25 avril 1792 pour exécuter un condamné de droit commun est le fruit d’une intention humaniste. Le docteur Joseph Guillotin, son concepteur, visait à la simple privation de vie sans torture envers les condamnés. Elle n’en devient pas moins un instrument de terreur que la Révolution transporte dans les provinces.

Les archives rappellent d’une part, qu’en septembre 1793, la guillotine quitte Dunkerque pour Cassel par suite du jugement condamnant deux « émigrés » pris les armes à la main contre la République. Et d’autre part qu’une pétition s’oppose en 1919 à la peine de mort... Elles fournissent en somme la matière d’un débat de société.

La guillotine sert une dernière fois en septembre 1977 avant d’être remisée au musée. Le 9 octobre 1981, la loi inspirée par Robert Badinter abolit la peine de mort en France.

Louis Vianne et Édouard Boutoille sont deux militants socialistes. Respectivement leader dunkerquois du mouvement ouvrier et l’un des fondateurs de la section locale du parti socialiste.

Ambiguïtés d’archives

Utiles ou artistiques

La raison d’exister de certains documents peut être claire ou plus curieuse. Si la majeure partie des archives consignent une information justificative ou répondent à une demande, à une commande... d’autres créations de documents révèlent plus difficilement leur ambition initiale. Leur production a pu avoir une intention artistique, résulter d’un souci de souvenir ou d’une circonstance incidente.

Certains fonds comme celui de l’astronome Pierre Neirinck présentent des photographies expérimentales, actes de créateur étranges parfois, qui questionnent rétrospectivement la volonté de leur auteur. À l’inverse, d’autres fonds offrent une vision de la photographie plus utilitaire et structurée. Les images réalisées par Jean-Baptiste Duthoit illustrent cette approche de photographie de commande, en outil pour illustrer un propos.

Mais en matière de création d’image, la frontière reste parfois floue entre la volonté artistique et l’objectif commercial.

Humilité d’archives

Anonymes ou célèbres

Comme l’administration dont elles sont issues, les archives rendent égaux leurs protagonistes, comme l’illustre l’enregistrement des unions.

Le mariage et ses rites concernent la quasi-totalité de la population des derniers siècles. Civil ou religieux, il unit juridiquement et symboliquement des époux légitimes devant l’ensemble de la communauté. Les célébrations laissent des traces aux archives, qu’elles soient administratives ou religieuses avec les registres dédiés, ou plus légères avec des films de noces.

Écrits ou audiovisuels, ces enregistrements traitent en égaux les époux Chautard d’Oost-Cappel et des personnalités plus célèbres tel que l’armateur Jean-Marie Emmery qui deviendra le premier maire de Dunkerque en novembre 1792.

Discrétion d’archives

Officielles ou clandestines

Dans les archives, se trouvent des documents à caractère très officiel, comme ce télégramme émanant du gouvernement, et d’autres plus insolites, à caractère secret puisque produits dans la clandestinité, tel que ce morceau de papier griffonné avec des messages codés destinés aux réseaux de Résistance.

Légèreté d’archives

Futiles ou sérieuses

Souvent perçues comme sérieuses - et l’étant en effet très souvent ! - les archives révèlent également des facettes plus légères. La photographie des « embusqués de la classe 1910 » est l’exemple type du sérieux courant dans les images officielles auxquelles nous sommes habitués.

Certaines photographies jouent avec la rigidité militaire et détournent le sérieux des images officielles, comme le montre cette photo du « 110e régiment de Dunkerque ». Alors que ces hommes en uniforme semblent incarner une stricte discipline, leur autodérision et l’humour de leur mise en scène mettent en évidence une humanité brute. De même, cette photo de soldat jouant avec un chien dépasse la droiture habituelle pour offrir une vision plus nuancée et vivante de leur quotidien.

Sobriété d’archives

Autorisées ou proscrites

Dans nos fonds d’archives, se côtoient des documents des plus sérieux et d’autres beaucoup plus futiles. Ainsi cette simple facture adressée à la ville pour le paiement des frais de restauration et de boisson liés à l’extinction de l’incendie de la cartoucherie en février 1871 en dit long sur les pratiques de l’époque.

Pratiques bien éloignées de celles d’aujourd’hui, où les sapeurs-pompiers ont droit à un traitement particulier pour conjurer les effets de la chaleur intense de l’incendie: 4 litres de genièvre et 82 bouteilles de bière, agrémentés de pain, beurre et fromage ! Il est vrai qu’entre-temps la lutte contre l’alcoolisme et l’hygiénisme ont profondément modifié les comportements, interdisant bien évidemment ce genre de pratiques de nos jours.

Morales d’archives

Bien ou mal

Expressions de la société, les archives en rapportent les jugements dont l’analyse est éloquente sur sa progressive évolution. Dans un cahier d’enregistrement des procès criminels de la ville et châtellenie de Bourbourg, plusieurs condamnations mènent à la mort par pendaison. Ainsi celle de Jean Houir, pour vol et profanation dans l’église avec ses complices, « exécuté par la corde jusqu’à mort s’ensuive »*.

À l’opposé, le jeune Daniel Bouly de Lesdain obtient en mai 1918 un « témoignage de très grande satisfaction » du supérieur de l’Institution Notre-Dame des Dunes pour la note « Très bien ». À quelques mois de l’Armistice du 11 novembre 1918, il se rend à Rouen et obtient le diplôme de Bachelier de l’enseignement secondaire.

* « Puisque vous, Jean Houir, fils de Jean, natif de Hondschoote, vous êtes rendu coupable de passer pardessus la porte du cimetière et y avez tenu conseil pour trouver moyen d’entrer dans l’église, et y avez brisé une croix en bois, fracturé les fenêtres pour faire pénétrer des complices dans l’église, et tenu la garde à côté de la maison du curé, vos dits complices ayant volé tout l’argent des troncs, l’argenterie, couronnes, ciboires, un coffret avec fermoir en argent, servant à renfermer le Saint- Sacrement et autres objets ; pour ces motifs, nous vous condamnons à être conduit, en chemise, tenant en mains un cierge non allumé, hors la vieschaere jusqu’au Wythof, au pied de l’échafaud et là être exécuté par la corde jusqu’à mort s’ensuive. »