Avec passion et ténacité, Philippe Boutelier a bâti un monument à la mémoire des sauveteurs : une base de données collectées sur toutes sources pour compenser l’oubli des actes de bravoure que seules quelques médailles ont sanctionnés. Soucieux d’honorer l’engagement des hommes comme d’en stimuler la solidarité, il a documenté fragment par fragment l’histoire largement inconnue du sauvetage dunkerquois afin d’en révéler la permanence et l’importance.
Faute d’un enregistrement officiel ou systématique, la trace des sauvetages disparait souvent. Pour la recomposer, il faut dépouiller la presse locale, les bulletins de sociétés de secours, les remises de décoration… ainsi que toute pièce consignant quelque élément dans les archives. Et mettre à profit la bibliographie et l’érudition des cercles historiques : fédérateur, Philippe Boutelier a coordonné les recherches d’enthousiastes contributeurs qui l’ont accompagné ou ont remis leurs informations. Une dimension collaborative et amicale a déterminé le rayonnement du projet et ses résultats : pour lacunaire que demeure la reconstitution, son envergure en fait une source assez fiable pour l’étude.
Philippe Boutelier a donc éveillé l’attention des érudits et chercheurs et s’est approché dès l’origine de partenaires pour sa démarche : les sauveteurs eux-mêmes, le CMUA, service dunkerquois des archives, mais aussi l’association des Corsaires Dunkerquois dont l’influent cercle partageait avec lui philanthropie et passion marine. Ainsi, lorsqu’il publiait un « nouveau » sauvetage avec les détails de l’évènement, bâtiments et marins participants, sa page Facebook résonnait dans divers circuits dont il avait habilement composé l’articulation.
La disparition de Philippe Boutelier a suspendu l’ouvrage. Les saisies et les mises en ligne des rapports de sauvetage ont cessé et bien que les partenaires aient envisagé la poursuite du travail, celui-ci n’a pas trouvé son nouveau pilote. Il fut convenu avec les Corsaires Dunkerquois et avec l’assentiment du président des Sauveteurs en mer de Dunkerque, Alain Ledaguenel, que la base serait conservée par le CMUA.
Sa prise en main fut facilitée par son concepteur informatique, Rémi Synave, avec le concours de Vincent Guigueno. Mais la structure informatique articulée sur des adaptations successives ne permettait pas un simple transfert vers les bases des archives. Les pages internet publiées par Philippe Boutelier sur les naufrages posaient le même problème. La base conservée résulte d’une refonte menée par les étudiants du DUT informatique de Calais au CMUA sous la direction de Rémy Synave. Elle restitue et rend exploitables les données relatives aux bateaux et aux sauveteurs avec des liens aux opérations en mer. Non exhaustive, elle se prête à des approches prosopographiques et biographiques des sauveteurs ainsi qu’à de multiples recherches ponctuelles sur 4476 protagonistes, 1052 bateaux et 601 naufrages. Puisse l’exemple de Philippe Boutelier inspirer d’autres sauveteurs de mémoire sur toutes les côtes de France.